Les tours automatiques


Les tours automatiques

François ZIEGLER 03/12/2018


  • Introduction
Les tours de cartes automatiques sont légion.
Ils représentent à la fois ce qui peut se faire de mieux et ce qui peut se faire de pire en cartomagie.
Ce qui peut se faire de mieux car, en l’absence de technique, toute l’attention du magicien sera portée sur la présentation, et si le principe à la base du tour est bien dissimulé, il est possible d’obtenir un miracle. Par exemple Viet-Nam de Larry Jennings (ou Dai Vernon ou Bruce Cervon).
Hélas, souvent les tours automatiques que l’on peut lire ou voir en vidéo focalisent plusieurs défauts : ils sont fastidieux, n’ont pas beaucoup de sens, le principe utilisé saute aux yeux, la présentation est inexistante.
Cela est accentué par le fait que, pour nombre de magiciens, faire un tour automatique est le moyen de faire quelque chose vite fait, appris en 5 minutes, quand on a quelque chose à présenter et que l’on n’a rien préparé.
Cela renforce l’idée fausse que le tour automatique est le tour de carte du pauvre, et trouve plus sa place dans les livres de magie destinés aux enfants que dans un répertoire de magicien moderne, car la « vraie » cartomagie ne peut se concevoir qu’avec des manipulations.
Et bien non, un tour automatique peut être bien plus fort, attractif et déstabilisant qu’une routine très technique.
Pour ma part, si je ne me fais plus guère avoir maintenant sur des routines classiques, j’adore me faire avoir par certains tours automatiques, car ils utilisent une approche non technique, et donc beaucoup  moins visible et plus « vicieuse ». Et quand on voit ce que font des pointures comme Dani DaOrtiz, ou Woody Aragon, pour ne citer qu’eux, effectivement les tours automatiques prennent à la fois un sérieux coup de jeune et sont très bluffants, pour les spectateurs comme pour les magiciens. Ça vaut donc la peine de se pencher sur le sujet.

Il faut dire aussi que s’il y a tant de compilations de tours automatiques, que ce soit en livres ou en vidéos, c’est parce que ces tours sont faciles à créer, à partir d’un principe il est souvent possible de faire une multitude de variantes. Hélas, trop souvent, les magiciens qui publient ces tours ne les rendent pas intéressants, parfois pour la simple raison qu’ils ne les considèrent pas intéressants eux-mêmes. Le but est de vendre, pas de faire de la qualité. Cela n’arrange pas nos affaires.
Et je dois dire, au risque de vous surprendre, que ce n’est pas parce qu’un magicien s’appelle Vollmer, Vallarino, Giobbi, Carey, que tout ce qu'il publie est forcément bon. Il y a des bonnes choses dans ce que ces personnes publient, incontestablement, mais il y a aussi des tours qui sont plutôt faibles, et des présentations un poil datées. Comme il est souvent dit, la quantité se fait parfois au détriment de la qualité.C'est comme en musique, dans un album sur 12 morceaux il y en a trois de bons.

Prenons aussi le cas d’Aldo Colombini, qui était par ailleurs un excellent magicien. Il a publié de très nombreux livres et vidéos de tours automatiques, mais précisait bien chaque fois qu’il ne donnait pas la présentation, que c’était à celui qui voulait faire le tour de la trouver. Hélas, la plupart du temps, les routines qu’il a décrites sont faites … telles qu’il les a décrites, et donc sans présentation … Du coup ces tours perdent quand même pas mal de leur impact.

Les « mauvais » tours automatiques sont d’un autre côté un excellent moyen de faire travailler ses méninges : comment justifier la procédure, comment cacher au mieux le principe, comment donner un sens au tour, comment le présenter ? Souvent tout cela manque. Il faut donc se creuser la cervelle pour apporter des réponses. Mais avant, naturellement, il faut déjà se rendre compte des faiblesses du tour en question ! Et avoir ensuite envie de l’améliorer !
Cela me rappelle une anecdote, un tour que j’avais vu sur Youtube, pas automatique d’ailleurs, où le magicien laissait voir en cours de routine une carte à l’envers, ce qui n’aurait pas dû être. Cela sautait aux yeux qu’il y avait un problème. Du coup je regarde la version d’origine, faite par le créateur, et naturellement ce problème n’y était pas. J’envoie donc un message au magicien en lui demandant pourquoi il fait de cette façon. Et il me répond « Ben oui, je sais que ce n’est pas normal, mais je l’ai appris comme ça … !!! » Et ce magicien n’était pas un de ces gamins dont les chaines Youtube envahissent internet, mais un adulte qui semble avoir pas mal d’années de magie derrière lui et publie régulièrement sur un groupe Facebook de cartomagie. Surprenant, non ? D’autant plus que s’il avait regardé la version originale il se serait corrigé. Mais non, il a vu comme ça, il a appris comme ça, et fait comme ça. Même si c’est mal.
Tout cela pour dire que quand on est magicien il faut travailler avec ses mains mais aussi avec sa tête.
Ne vous contentez pas du « petit tour vite fait », ayez pour ambition d’en faire un miracle, et même si vous n’y arrivez pas vous n’aurez pas perdu votre temps.

  • Les principes
Les tours automatiques sont charpentés par des principes, mathématiques ou non.
Il y a, à mon sens, deux grandes catégories de principes :
-          Les principes cachés
-          Les principes visibles
Les principes cachés sont, par définition, insoupçonnables du public. Utilisation d’un chapelet, d’une carte clé, principe de Gilbreath, etc … Quand vous les utilisez, tout paraît normal. Ce sont les plus faciles à mettre en œuvre.
Les principes visibles, eux, … se voient. Même si le spectateur ne comprend pas comment ça marche, il va sentir que quelque chose n’est pas habituel, car la procédure n’est pas habituelle. Down-Under deal (mélange australien), reverse faro, Klondike Shuffle, Free-Cut principle, etc … De plus, ces principes impliquent souvent des choix restrictifs : des paquets d’un nombre de cartes spécifiques par exemple.
Et du coup, il vous faudra être attentif à ce que ces procédures paraissent justifiées et innocentes.
Car, comme il est dit souvent, que le spectateur ne comprenne pas n’est pas suffisant. Si vous vous arrêtez là, vous aurez offert un puzzle, pas réalisé un tour avec ce que cela doit impliquer.

  • Les motivations
Là où le bas blesse le plus souvent c’est dans la justification de ce que l’on fait.
Si je demande à un spectateur de prendre 7 cartes du jeu, je dois lui expliquer pourquoi 7, et pas 8 ou 10, ou le nombre qu’il veut, lui. Et naturellement je ne peux pas lui dire « Parce qu’avec un autre nombre ça ne marcherait pas ! » Et très souvent, les créateurs du tour ne vous le disent pas. Ils se contentent de vous expliquer comment ça marche, c’est à vous de trouver les justifications nécessaires. Il vous faudra donc essayer de rattacher cette limitation à quelque chose qui a du sens : un nombre mystique, le nombre de lettres d’un mot très spécial, etc …

  • La présentation 
Il est impératif de se poser la question de ce qu’on veut montrer au spectateur, quel est le but de ce tour.  Votre tour doit avoir un fil conducteur et se tenir, chaque étape participant à ce que vous voulez montrer, et juste ce que vous voulez montrer.
Il y a une méthode que j’utilise souvent, et que j’ai pratiquée avec pas mal de magiciens avec qui j’ai travaillé par le passé : posez votre jeu de cartes et racontez-vous, à haute voix, ce que vous allez faire, avec les mots que vous allez dire. Vous allez voir, c’est souvent révélateur ! Sans le support visuel, votre routine est à nu. Vous allez vous rendre compte de pas mal de choses, tant sur ce que vous voulez dire que sur la façon de le dire. En clair, si vous pensez que votre routine tient la route, en la « disant » simplement vous verrez si c’est le cas ou pas. Et nombre d’incohérences peuvent vous apparaître, que vous n’auriez pas vues si vous aviez fait la routine cartes en mains. En clair, cette méthode vous permet de prendre de la hauteur. Et c’est nécessaire. Et de plus, ça vous vous obliger à travailler votre texte !
Naturellement, cela s’applique à des tours non automatiques, et à des tours autres que des cartes !

  • Le truc est au service du tour et pas l’inverse
Ce qui rend souvent les tours automatiques peu cohérents c’est que, dans nombre de cas, le magicien est parti du principe, de la mécanique du tour, et a construit un tour autour, juste pour l’utiliser en fait. Naturellement, ce n’est pas une bonne idée.
Il faut d’abord se demander ce que l’on veut faire, et ensuite quels sont les moyens pour y parvenir. La solution retenue sera automatique ou technique, peu importe, mais le tour se tiendra forcément beaucoup mieux.

  • Améliorer n’est pas complexifier
Dai Vernon disait qu’un bon tour est un tour qui peut se résumer en une phrase.
Il disait aussi que la confusion n’est pas magique.
On peut avoir tendance à rajouter des choses parce que l’on a l’impression que le tour tel quel est un peu « léger ». Ce n’est pas forcément un bon calcul, et pas toujours la voie à privilégier.
Encore une fois, si le tour est bluffant et bien vendu, il peut être très court et très simple dans sa finalité.
L’améliorer va porter sur les effets existants et la façon de les faire, pas forcément ajouter des effets en plus juste pour des effets en plus, histoire de meubler.

  • Choisir la bonne version
Il y a certains effets qui donnent lieu à de nombreuses versions. Je pense par exemple au détecteur de mensonge, qui utilise le « Principe du placement automatique » de Jim Steinmeyer.
Choisissez de préférence celle qui est la plus logique à mettre en œuvre, et la plus amusante pour un spectateur. La version de Sylvain Mirouf « Le bon fruit » est par exemple excellente, facile et amusante.

  • Un tour automatique n’est pas forcément mathématique
Souvent l’amalgame est fait entre tours automatiques et tours mathématiques. Si les tours mathématiques sont automatiques la réciproque n’est pas toujours vraie. Une carte clé ou un chapelet peuvent être la mécanique du tour, et n’ont rien de mathématique.
A noter quand même que les tours mathématiques sont en général plus soporifiques que les autres, à cause de procédures parfois laborieuses, et plus difficiles à justifier.

  • Comprenez comment ça marche
Certaines méthodes mises en œuvre sont très bluffantes, y compris pour celui qui fait le tour !
Il est cependant, à mon avis, indispensable de toujours comprendre comment et pourquoi ça marche.
Déjà cela vous permettra de savoir ce qu’il est possible de changer (ou pas) dans le tour sans perturber le principe mis en œuvre.
D’autre part cela vous permettra de faire face à des imprévus, de rattraper le coup s’il y a un problème. Si vous vous contentez de faire ce qui est écrit sans savoir pourquoi ça fonctionne vous risquez d’avoir des soucis.
Et si vous maîtrisez la méthode, vous pourrez créer votre propre version !

  • N’y a-t’il pas moyen de faire plus simple pour finalement le même effet ?
Comme je l’ai dit déjà, il existe de nombreux tours où le magicien utilise une procédure très compliquée et qui sent les mathématiques à l’autre bout de la galaxie, pour finalement retrouver une carte choisie ou deviner le nombre de cartes d’un paquet.
Il est quand même bon, je pense, d’évaluer si le jeu en vaut la chandelle ! Il est peut-être vrai que les spectateurs à qui vous ferez ce genre de tours ne comprendront pas comment ça marche, mais est-ce magique ? S’il s’agit simplement, in fine, de retrouver une carte choisie, il existe une infinité de méthodes, techniques ou non d’ailleurs, qui seront plus convaincantes et plus attractives !

  • N’existe-t’il pas une façon de faire le même effet avec moins de contraintes ?
Cela rejoint un peu le point précédent. Prenons un exemple, le tour « 4 5 6 » d’Al Thatcher, publié dans « Cartomagie Impromptue » d’Aldo Colombini. Un spectateur regarde une carte au hasard, le magicien fait plusieurs piles sur la table, faces en l’air, le spectateur regarde dans quelle pile se trouve sa carte et élimine les autres piles. Jusqu’ici, rien de magique. Le magicien demande ensuite au spectateur de retourner une à une les cartes de son paquet faces en haut et à un moment donné le magicien va l’arrêter sur la bonne carte. Ca c’est l’effet magique. Seulement, cet effet revient à avoir trouvé une carte parmi une dizaine et non parmi 52 … Si vous faites une carte à l’œil ou un forçage et ensuite donnez le jeu à mélanger au spectateur, vous obtiendrez le même genre d’effet (dans la tête du spectateur), mais beaucoup plus fort !

  • La méthode est sympa, mais seulement pour vous, car le spectateur, lui, ne la connaît pas
Cela découle du point précédent. La méthode, utiliser une estimation par exemple, peut être jubilatoire pour le magicien, et il peut éprouver du plaisir à faire un tour qui l’utilise. Mais n’oubliez pas que le spectateur, lui, ne voit que l’effet. Il faut voir le tour avec les yeux d’un spectateur et non avec les yeux d’un magicien. Dani DaOrtiz dit des choses très intéressantes à ce sujet, et ne crée ses tours que dans cette optique. Et si la méthode est sympa mais le tour pas bon, il vaut mieux éviter de faire le tour.

  • Privilégiez de travailler « en aveugle » plutôt qu’en regardant les cartes
Il est plus fort de retrouver une carte sans regarder le jeu qu’en le regardant.
Exemple du tour « Fantastic » de JP Vallarino : à la fin du tour il retourne les cartes une à une faces en haut, et à partir d’un certain moment va chercher une carte dont la valeur donnera la position de la carte choisie à partir de là. Il y a peu de chances de trouver une telle carte. Il me semble préférable de faire l’impasse sur cette éventualité pour retrouver la carte sans voir les faces.

  • Customisez vos tours pour sortir du tour de carte lambda
Quand c’est possible, utilisez des versions du tour avec des cartes spécialement dessinées ou imprimées. Par exemple, la routine « le Bon Fruit » de Sylvain Mirouf, qui n’est autre qu’une application du Placement Automatique de Jim Steinmeyer, sera plus attractive pour un spectateur  qu’une routine identique avec des cartes ordinaires, surtout que le spectateur se sentira personnellement impliqué dans le tour parce que le fruit qu’il choisira sera celui qu’il aime le plus.

  • Si vous utilisez un thème de présentation, allez jusqu’au bout
Par exemple, si vous faites un tour utilisant la numérologie, déjà ayez quelques notions de cette pratique, pour être crédible, et ensuite terminez le tour en l’appliquant au spectateur. Idem si vous utilisez un tour basé sur le jour et le mois de  naissance, ou sur le signe du zodiaque associé, et que votre effet sera supposé dépendre de cette date, faites un mini thème astrologique en accord avec elle.

  • Faites plutôt des prédictions « aléatoires » que des prédictions figées
Si quelque chose doit être prédit dans un tour, laissez penser que cette prédiction est unique, juste pour cette fois-ci, qu’un autre jour vous auriez pu prédire autre chose. Si votre prédiction est fixe, par exemple une carte collée dans un bloc note pour le tour du Shuffle Board d’Aronson, le spectateur pourra penser (à juste titre), que quelque soit le mélange fait par le spectateur il arrivera au bon résultat, et du coup que vous avez fait en sorte que ça marche. Il vaut mieux faire les 3 prédictions + le post-scriptum sur des morceaux de papier. De même, privilégiez un post-it au dos d’une carte à une carte avec une inscription écrite au feutre dessus. Par définition, le post-it est temporaire !

  • Evitez les prédictions double emploi
Il n’est pas rare de voir des routines où un même fait aléatoire est prédit ou révélé doublement ou triplement.
Si cela se justifie dans quelques cas, Tempête sous un crane par exemple car la prédiction ne porte que sur 1 carte sur 4, dans beaucoup d’autres cas montrer par plusieurs prédictions que l’on avait deviné ou anticipé le fait ne sert pas à grand-chose, sinon alourdir la routine. A moins que cela soit justifié.
Voir par exemple la routine « Crazy Cube Poker » de R. Paul Wilson dans la vidéo Penguin Live 2.

  • Evitez les évidences
Supposons que dans votre tour vous utilisiez 10 cartes rouges et 10 cartes noires. Si à la fin du tour vous avez deux paquets, montrer de quoi est composé le premier impliquera automatiquement de quoi est composé l’autre. Il est donc inutile de prédire par exemple le contenu des deux paquets, et même de montrer les deux. Ca alourdit la procédure, et les spectateurs ne sont pas idiots. Il est préférable de faire choisir un des deux paquets, éliminer l’autre, et faire le reste du tour avec celui choisi.

  • Essayez de mettre du suspens dans les procédures les plus fastidieuses
Dans certains tours, il y a des procédures très longues, répétitives et qui vont donc très vite lasser le spectateur. Il est impératif de les rendre plus intéressantes en amenant par exemple du suspens, ou un enjeu, bref de quoi maintenir l’attention du spectateur.
Par exemple, le célèbre tour « The Tantaliser » décrit par Hugard et Braue dans « The Royal Road to Card Magic ». Transformer par exemple cette découverte de carte en pari en augmentant les gains à chaque distribution.

  • Justifiez les choix restreints
Il arrive souvent que l’on demande au spectateur de poser sur la table, par exemple, un nombre de cartes entre 1 et 10. Si vous ne le justifiez pas, ça devient une contrainte arbitraire, et donc suspecte.
Dans son tour « Impossible », Larry Jennings, qui doit utiliser cette contrainte, dit « Je vais vous demander de penser à un nombre. Ce nombre pourrait être n’importe lequel, mais pour gagner du temps, choisissez un nombre entre 1 et 10 ». Au cours du tour, vous rappellerez que le nombre était quelconque et inconnu de vous.
Idem pour faire choisir par exemple un nom d’acteur dans une liste (en disant que c’est pour élargir son choix).

  • Faire un tour à un spectateur n’est pas le même chose que faire un tour devant un public nombreux
Le spectateur à qui vous faites le tour sera impliqué dans sa réalisation et vous portera, en général, toute son attention, même si la procédure est assez fastidieuse. Par contre, les autres spectateurs qui n’ont d’autre occupation que regarder ce qui se passe risquent de s’ennuyer ferme si le tour traîne en longueur et que, du point de vue de l’effet, il tarde à se passer quelque chose.
Si vous avez un public devant vous, essayez d’utiliser plutôt des tours qui vont impliquer plusieurs personnes, et/ou des tours où les spectateurs à qui vous ne faites pas le tour se sentiront néanmoins concernés, soit par le thème, soit par l’histoire, et pourront s’identifier à votre spectateur.

  • Rendez vos tours inremontables
Le principe qui rend possible un tour automatique doit être caché, ou du moins il faut faire en sorte que si le spectateur a mémorisé comment le tour s’est déroulé, il ne puisse arriver au même résultat s’il tente de reproduire le tour chez lui. Cela signifie qu’il faut introduire dans le tour des éléments pseudo aléatoires (fausse coupe, faux mélange,…), de sorte que si le spectateur fait ces opérations « en vrai », le tour ne marchera plus. Voir le tour « Compte à rebours » de JP Vallarino, d’après Steve Beam (Automatiks Vol 1). La procédure telle que décrite est facilement mémorisable et donc le spectateur peut parfaitement refaire la même chose chez lui, tuant le mystère. Il suffit de repasser 3 cartes du dessus dessous par double coupe ou faux mélange Charlier pour que le tour devienne non reproductible.

  • N’hésitez pas à dire que vous en faites plus que vous n’en faites réellement
Cela fait partie de l’écran de fumée que vous allez répandre tout au long de votre routine.
Par exemple, dans le tour « Le groupe silencieux » que je vais détailler plus loin, j’annonce connaître la carte du spectateur (faux), la somme totale des dés (faux) et que pour le prouver je vais positionner cette carte précisément à cette position (en fait elle y est déjà). Quand le spectateur va vérifier, il trouvera bien sa carte à la position correspondant à la somme des deux dès. Cela vérifiera vos dires, et du coup que vous avez bien deviné la carte et le total des points des dés. C’est ce que j’appelle une « preuve déductive ».

  • Ancrez dans la tête du spectateur les parties « libres » de la routine
Dans votre routine, il y aura des moments où le spectateur peut mélanger, ou couper, ou faire quelque chose qui ne dépend que de lui. Ce sont ces moments qu’il faut mettre en avant, ancrer dans la tête du spectateur (les « Mélangez mélangez mélangez ! » de Tamariz) pour qu’il ne retienne que ça, et pas les moments où c’est vous quoi avez contrôlé la situation. Quand vous résumez ce qui s’est passé, avant la fin du tour, vous refaites une lecture de l’histoire à votre avantage, et c’est ce que le spectateur retiendra.

  • Privilégiez les tours qui semblent impromptus et où vous ne faites rien
Il y a d’excellents tours qui utilisent un montage du jeu, plus ou moins important. Néanmoins, dès lors que vous donnez le jeu à mélanger au spectateur, un tour sera potentiellement plus fort pour lui car il aura l’impression que c’est lui qui a le contrôle du cours des choses, et non vous. Cela sera accentué si c’est le spectateur qui fait quasiment tout, ou du moins en a l’impression. Et du coup, c’est lui qui sera le maître d’œuvre de la magie qu’il vit, et le souvenir qu’il en gardera sera évidemment plus fort que si c’est vous qui faites.

  • Les petits plus qui peuvent ne pas marcher sans nuire à la routine
Il peut y avoir, au cours de la routine, des phases qui peuvent fonctionner, ou pas. Ce ne seront des effets que si ça marche, si ça ne marche pas le spectateur ne le saura pas.
Par exemple, dans la routine Rolepayer de Benjamin Earl.
C’est un peu l’équivalent de l’utilisation d’un hasard que l’on fait croire voulu. Cela rendra la routine d’autant plus incompréhensible.
Si on pousse le concept jusqu’au bout, on arrive à la magie « Jazz », et à des tours comme « Le tour qui ne peut être expliqué » de Dai Vernon.

  • Les tsunamis
Il y a une catégorie de tours automatiques que l’on appelle « tsunamis », ou « Foolers »,  qui n’ont d’autre but que de tromper le magicien. Ils sont souvent dépourvus de présentation, ce sont juste des tours faits pour énerver les collègues lors de sessions privées. S’ils sont effectivement très vicieux, ils sont faits pour des magiciens, se servent de ce que connaît le magicien pour l’emmener sur de fausses pistes, et ne sont pas du tout destinés à un public de profanes qui n’y verra rien de divertissant. De plus, souvent, ils utilisent ce que sait faire un magicien, un beau mélange en queue d’aronde par exemple, ou couper un jeu vers le milieu,  etc … Un profane risquera de vous faire rater car il n’a pas la même technique, et, je le répète, même si le tour fonctionne il ne va pas impressionner le spectateur plus que ça car, après tout, ce ne sera qu’une carte choisie retrouvée par exemple, et ça le spectateur sait que vous en êtes capable. Que les conditions soient plus ou moins compliquées ne changera, à ses yeux, rien à l’effet.

  • Conclusion
Si je prends deux auteurs de tours automatiques, par exemple John Carey et Ben Blau, le premier décrit ses tours en une demi-page alors que l’autre, pour un effet du même calibre, va mettre 15 pages. Sans juger si le tour de l’un est meilleur que le tour de l’autre, il faut juste constater que l’un a été plus au fond des choses que l’autre, en décortiquant tout ce qui est dit et fait au cours de la routine, pour que tout soit pensé et la bonne action se fasse au bon moment.
Comme je l’ai dit en préambule, les tours automatiques ne sont pas des tours « faciles » au sens méprisant du terme. Ils peuvent être de vrais joyaux. Encore faut-il les concevoir et les habiller d’une façon convaincante et crédible.
 


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Dice Telepathy de John Carey

Le Very Best Des Tours De Cartes Automatiques par Richard Vollmer

Mike Maxwell