La magie et les autres arts

Il est parfois intéressant de comparer ce qui se passe avec la magie et ce qui se passe avec d'autres arts.
Il y a des similitudes certaines.
J'ai la chance de pratiquer la magie, l'origami et la batterie, et chacune de ces passions éclaire les autres.
Un sujet est particulièrement intéressant, c'est celui de la technique.
Par exemple, avec les batteurs la qualité principale doit être le groove. Il y a d'excellents batteurs qui groovent avec des figures simples, sont au service de la musique et pas là pour faire un solo tout le long du morceau. Par exemple Steve Gadd, qui est certes un bon technicien, mais ne fait jamais dans l'esbroufe. Idem feu Jeff Porcaro de Toto. Et bien d'autres. La simplicité au service de l'efficacité, c'est ce qui fait leur force. Et ces batteurs ont fait des milliers de sessions, ce n'est pas pour rien.
A côté de cela vous avez des bêtes à concours, hyper techniciens, mais qui musicalement ne valent pas grand chose. Par exemple, Damien Schmitt, le batteur de N'oubliez pas les paroles. Il a succédé à un batteur limité techniquement mais qui faisait bien ce pour quoi il était payé, accompagner un orchestre de karaoke. Damien est un super technicien, sans doute un des meilleurs de France, mais qui, à mon avis, ne va pas du tout dans ce poste. beaucoup trop démonstratif, pas du tout de musicalité. Il en va de même de Simon Phillips, qui succéda à Jeff Porcaro dans Toto. les vrais fans de Toto détestent le jeu de Phillips, froid, sans âme, et sans groove.
Et les écoles de musique forment souvent des super techniciens, mais pas vraiment des musiciens. Cela d'autant plus que les producteurs demandent souvent aux batteurs de "faire le show", et du coup ceux-ci jouent le jeu et perdent leur âme.
En origami, on a aussi ce schéma techniciens contre émotion artistique.
Vous avez des plieurs qui sont extrêmement techniques, mais bon, qui créent des choses qui sont affreusement laides. Le précurseur en a été John Montroll, dont les créations sont souvent d'une laideur affligeante, même s'il y a plein de détails.
Par exemple un de ses chevaux.
Franchement, quelle horreur. C'est moche, ça manque de grâce et de vie.
Comparez avec cet autre cheval, il n'y a pas photo.
Et la magie dans tout ça ?
Et bien c'est un peu pareil.
Il y a des magiciens super techniciens, avec un toucher d'enfer, mais qui ne font rien passer à part le message qu'ils ont bossé des années leur technique (See how clever I am).
Il y a des magiciens très adroits et à la belle  gestuelle mais avec qui on s'ennuie grave. De la technique pour la technique, sans plus.
Est-ce le but de la magie ? Montrer que l'on est un expert ? Pas sûr.
Yoshizawa, le père de l'origami moderne, a créé plus de 5000 modèles. C'est un peu le Robert-Houdin du pliage. Yoshizawa considérait l'origami comme une discipline, avec un rituel ressemblant à celui des arts martiaux.
Quand il faisait (très rarement) une conférence de deux heures, il passait la première heure à parler respiration, gestuelle, quel papier choisir, comment le manipuler, l'importance de l'observation de la vie autour de nous, etc ... Bon, les plieurs qui étaient là voulaient voir et apprendre de nouveaux modèles, pas entendre parler de philosophie ... Yoshizawa avait créé tant de choses, il allait bien nous sortir un modèle sympa de derrière les fagots ! Alors la deuxième heure, oui, il enseignait un modèle. Un chien. En 7 ou 8 étapes, c'est tout. Temps de réalisation, 3 minutes. Et il passait le reste de l'heure à expliquer pourquoi ce chien si simple était en réalité un modèle beaucoup plus subtil qu'il n'y paraît au premier abord, et que malgré ses 7 ou 8 plis il contenait le plus important pour ce chien : la vie. Car Yoshizawa donnait vie à ses animaux. Ce n'était pas un simple chien, mais en chien en train de faire quelque chose, dans une attitude naturelle, et en réalité c'est super dur d'aller à l'essentiel. Et cela valait bien une conférence de deux heures. La plupart des congressistes  étaient frustrés et criaient à l'arnaque, et pourtant ... C'était  quand même bien plus important de comprendre la démarche du Sensei que d'apprendre un nouveau modèle.
Les Burger, Tamariz, Hass etc ... sont les Yoshizawa de la magie. Pas de grands techniciens, mais ils ont compris tellement de choses ...

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